Perron Suzie. (1991). L'évolution de l'industrie du bleuet au Québec : éléments de comparaison avec la France. Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Chicoutimi.
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Résumé
L'évolution de ses liens culturels avec la France a amené le Québec à comparer systématiquement les diverses composantes des réalités des deux pays. Du système politique à l'art gastronomique en passant par les nuances dans le parler de leurs régions respectives, tout est sujet à parallèles et comparaisons.
Ce mémoire se veut avant tout une sorte de monographie sur l'industrie du bleuet sauvage du Québec exposant ses divergences de position par rapport à son homologue français. L'accent porte cependant sur les modèles de développement qui ont permis de part et d'autre l'émergence et la consolidation de ces bleuetières et myrtilleraies.
Indépendamment des superficies et du potentiel de production des entreprises québécoises et françaises, il est supposé que le succès et l'insuccès relatifs de ces entreprises reposent sur des structures organisationnelles différentes, encouragées par des politiques de développement régional.
Cette hypothèse ouvre donc la porte à une série de questions permettant de clarifier la situation des deux composantes spatiales.
a) Quel est le cadre d'intervention étatique des deux industries?
À la lumière des données recueillies, il appert que l'État québécois a tenu un plus grand rôle dans le développement des bleuetières que ne l'a fait l'État français pour ses myrtilleraies. Bien que marquée par des discontinuités temporelles, l'intervention de l'État au Québec a mieux soutenu l'essor des bleuetières par toute une gamme de politiques de développement dont la plus importante, TARDA, a permis l'existence même des bleuetières telles qu'on les connaît. Les myrtilleraies françaises n'ont pas pu, à notre connaissance, bénéficier de politiques soutenues de développement, sinon quelques interventions ponctuelles pour permettre la revalorisation de certaines productions.
Outre les appuis techniques et financiers que ces mesures ont procurés aux producteurs de bleuet, il va sans dire qu'un appui moral aura permis de soutenir l'intérêt et la cohésion des producteurs pour la revalorisation de leur industrie. Cette cohésion fait cruellement défaut aux producteurs français qui se sentent isolés, reprochant pathétiquement à l'État de les avoir abandonnés.
b) Quelles sont les structures de gestion qui accompagnent la production et la mise en marché de ces deux industries?
Une énorme différence existe entre les structures de gestion françaises et québécoises. Les myrtilleraies françaises sont le fait d'initiatives individuelles et sont rattachées le plus souvent à une exploitation agricole familiale ou remise entre les mains d'une commune chargée d'en assurer le bon fonctionnement. Les terrains de production appartiennent soit à des particuliers, soit à des communes ou demeurent sous juridiction domaniale où le mode de gestion est élémentaire. La vente et l'achat de myrtilles relèvent de canaux de distribution éphémères et peu structurés, oeuvrant sur des secteurs délimités. Bref, le mode de gestion des myrtilleraies françaises ressemble en plusieurs points à celui existant autrefois dans les espaces de production de bleuets sauvages au Québec avant l'aménagement des bleuetières et l'organisation de ses structures commerciales.
Le mode de gestion coopérative, initié par l'avènement des grandes bleuetières, a probablement favorisé l'expansion de l'industrie du bleuet au Québec en maintenant une certaine unité auprès des producteurs. Cette unité aura été consolidée par un regroupement à un deuxième niveau, le Syndicat des Producteurs de Bleuet. Si la gestion coopérative comporte d'importants avantages tels la mise en commun de ressources financières et techniques, elle ne suffit cependant pas à donner l'élan économique nécessaire à une industrie faisant face à la mondialisation des ressources. La modération du risque et la faible implication financière des membres coopératifs amènent une gestion de petite entreprise dont les répercussions économiques ne dépassent guère le revenu d'appoint. Les structures gouvernementales ont vite saisi les éléments de cette stagnation ce qui les a poussé à revoir le mode de gestion coopératif pour l'élargir au domaine privé qui, entre temps, se mettait au diapason des impératifs du monde des affaires. Un mode de gestion axé beaucoup plus sur une prise de décision centrée sur le propriétaire et sur une vision planificatrice plutôt que marchande caractérise la privatisation de certaines bleuetières. Ce mode de gestion a apporté, dans les bleuetières privatisées, des innovations et investissements beaucoup plus prononcés que dans les bleuetières coopératives ce qui nous amène à croire qu'une privatisation "encadrée" par l'État possède un dynamisme économique non négligeable.
c) Quels sont les moyens privilégiés par les différentes structures pour encadrer la production?
Deux niveaux de moyens se distinguent ici: les moyens techniques (agraires) et les moyens stratégiques (politiques).
D'une part, la caractérisation de ces cultures démontre une nette différence entre ces deux fruits qui ne requièrent par les mêmes opérations agraires et, surtout, qui ne donnent pas les mêmes résultats. Les moyens techniques en cause sont donc difficilement évaluables puisque ceux utilisés pour la culture du bleuet québécois ne sont pas adaptables aux besoins de la myrtille française.
Au nombre des moyens stratégiques, l'association Etat-Université-Milieu représente probablement au Québec la meilleure stratégie pour insuffler de l'énergie à l'industrie du bleuet. Les subventions gouvernementales sont conditionnelles à l'implication financière des producteurs et à la démonstration du bien-fondé de certaines techniques (recherche), la subvention à la recherche est conditionnelle à l'implication financière du milieu (cotisation au pro-rata de la production prélevée auprès de chaque producteur) ce qui lie chacune des composantes travaillant à la consolidation de l'industrie du bleuet. Dans un contexte de développement régional, cette association tri-partite semble la plus appropriée puisque les objectifs de chacun convergent dans le même sens: le mandat de l'Université stipule une implication régionale, le gouvernement aspire à trouver la bonne formule de développement régional et les gens du milieu travaillent à l'autonomie et à l'expansion de leur région. Les moyens mis à la disposition de chacun se rencontrent sur la voie de la concertation mise de l'avant par les Sommets économiques du Québec.
d) Le Québec possède-t-il une meilleure intégration verticale de ses différentes composantes industrielles (production, transformation, commercialisation) qui lui consoliderait un certain marché?
Les conséquences de l'évolution des politiques de développement régional sur l'industrie du Québec ont été marquantes pour la survie même de l'industrie. Plusieurs phases de l'évolution de l'industrie se transposent directement sur des changements de politiques. L'industrie du bleuet s'est développée à travers une gamme de politiques de développement évoluant au gré des ententes fédérales-provinciales, marquées par les théories de développement prévalant à chaque époque. Si l'industrie du bleuet doit son émergence aux politiques de développement exogène incarnées par la loi ARDA, son évolution a emprunté certaines voies caractéristiques du développement endogène, notamment avec le changement social qui a initié le revirement des valeurs culturelles dans les années 60, alors que l'essoufflement actuel de l'État mène inexorablement à une forme d'auto-développement.
On ne peut cependant attribuer le même rôle aux politiques de développement régional français au service de l'industrie de la myrtille faute de connaissances suffisantes. Si l'essor des bleuetières du Québec peut être expliqué en partie par un leadership naissant allié à la pertinence des nouvelles politiques de développement, l'absence de structures bien définies et son manque d'intégration au monde des producteurs de même que l'absence de communication semblent avoir stigmatisé l'industrie de la myrtille.
L'industrie de la myrtille française, du moins la myrtille sauvage, nous est donc apparue confinée à l'état d'une cueillette marchande à l'inverse du bleuet québécois qui, du même stade original de cueillette marchande, s'est transformé en une industrie consolidée en voie d'expansion.
Type de document: | Thèse ou mémoire de l'UQAC (Mémoire de maîtrise) |
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Date: | 1991 |
Lieu de publication: | Chicoutimi |
Programme d'étude: | Maîtrise en études régionales |
Nombre de pages: | 175 |
ISBN: | 1412303702 |
Identifiant unique: | 10.1522/1469027 |
Département, module, service et unité de recherche: | Départements et modules > Département des sciences humaines > Programmes d'études de cycles supérieurs en interventions régionales |
Directeur(s), Co-directeur(s) et responsable(s): | Lemieux, Gilles H |
Mots-clés: | Industrie--Organisation, contrôle, etc, Bleuets--Industrie, ndustrial organization, Blueberry industry, BLEUET, BLEUETIERE, FRANCE, GESTION, INDUSTRIE, PRODUCTION, QUEBEC, STRUCTURE, THESE |
Déposé le: | 01 janv. 1991 12:34 |
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Dernière modification: | 20 sept. 2011 15:37 |
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