Foubert Aline. (2017). Rôles de l’hétérogénéité et de la connectivité du paysage sur les poissons du fleuve Saint-Laurent (Canada) : vers de nouvelles unités de gestion écologiques. Thèse de doctorat, Université du Québec à Chicoutimi.
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Résumé
Les activités humaines ont profondément transformé les paysages aquatiques des grands fleuves en modifiant l’hétérogénéité et la connectivité de leurs habitats. Ces transformations ont mené à la disparition et au déclin de plusieurs espèces de poissons jadis abondantes. Malgré les actions entreprises afin d’atténuer l’érosion de la diversité ichtyologique, certaines populations de poissons sont encore en situation précaire. Ce constat témoigne de la nécessité de mieux comprendre en quoi les caractéristiques et modifications du paysage aquatique influencent l’organisation spatiale des commmunautés de poissons afin ultimement de définir des unités de gestion écologique. La présente thèse vise à mieux comprendre le rôle des caractéristiques hydromorphologiques et des modifications anthropiques sur l’hétérogénéité et la connectivité du paysage aquatique à différentes échelles spatiales et organisationnelles dans le fleuve Saint-Laurent (Québec, Canada). Partant d’une perspective à l’échelle de la portion fluviale portant sur la diversité des communautés de poissons, cette thèse se consacre ensuite, à une échelle spatio-temporelle plus fine, à l’accès aux habitats vitaux d’une espèce structurante pour la communauté. En effet, la connectivité entre les habitats assurant la survie des jeunes stades de vie du grand brochet (Esox lucius) vise à mieux comprendre le rôle des caractéristiques hydromorphologiques et des modifications anthropiques sur le déclin de cette espèce emblématique. Sur l’ensemble de la portion fluviale du Saint-Laurent (~350 km), un échantillonnage gouvernemental standardisé des communautés de poissons (1995-2013) a été analysé grâce à la combinaison d’analyses univariées sur les indices de diversité et d’analyses multivariées sur la structure d’abondance des espèces. Les analyses révèlent des résultats contrastés selon les indices utilisés et soulignent l’importance de considérer plusieurs facettes de la diversité. En effet, seul l’indice de diversité taxonomique révèle une augmentation graduelle de la diversité vers l’aval mettant en lumière l’importance des communautés de l’estuaire fluvial. De plus, le long de ce continuum, les analyses multivariées mettent l’accent sur l’hétérogénéité des communautés à plusieurs échelles spatiales : au sein d’unités hydro-morphologiques distinctes (par ex. corridor vs. lac fluvial vs. archipel), et entre les rives opposées de mêmes secteurs séparées par un profond chenal de navigation. Ces entités géographiques qui reflètent une réalité écologique pourraient être utilisées par les gestionnaires de la ressource du Saint-Laurent. De la portion étroite entre Montréal et Sorel au vaste lac Saint-Pierre (~150 km), la modélisation des habitats de nourriceries du grand brochet pour la période 1965-2013 a été couplée à un modèle de fraie existant. Les mesures de connectivité entre les frayères et les nourriceries révèlent que certaines frayères ayant un fort potentiel pour les géniteurs peuvent devenir, dans certaines conditions hydrologiques, de réelles trappes écologiques pour les oeufs et les larves. Alors qu’une rapide diminution du niveau de l’eau peut assécher la majorité des frayères dans le lac Saint-Pierre, l’augmentation de la vitesse du courant (>10 cm.s-1) dans le corridor Montréal-Sorel peut disperser les larves en dehors des bons habitats. De plus, la régularisation du fleuve Saint-Laurent et l’expansion de l’agriculture jusque dans sa plaine d’inondation ont profondément altéré les habitats et leur connectivité, de sorte que les événements hydrologiques hauts et stables, qui auraient été naturellement favorables pour le grand brochet, ont perdu leur potentiel productif. En effet, les hauts niveaux d’eau sont plus fréquemment suivis d’une rapide diminution limitant le succès de reproduction, alors que les habitats anciennement accessibles dans le haut de la plaine d’inondation sont devenus inopérants pour les poissons à cause des pratiques agricoles. Cette étude souligne aussi que la connectivité des habitats dans le lac Saint-Pierre est favorisée par des conditions hydrologiques stables lorsqu’il y a chevauchement entre les frayères et les nourriceries, ainsi que par la dispersion des larves dans de faibles courants (<10 cm.s-1) leur permettant de rejoindre des habitats plus distants. Les résultats de la présente thèse apportent un nouvel éclairage sur les caractéristiques et modifications du paysage aquatique qui gouvernent l’organisation spatiale des communautés de poissons du fleuve Saint-Laurent ainsi que la complétion des premiers stades de vie d’une espèce structurante pour la communauté. Ils visent à contribuer à la gestion de la ressource ichtyologique en identifiant des unités de gestion écologique à différentes échelles spatiales (par ex. les rives, les habitats interconnectés), en priorisant des sites à conserver (par ex. l’estuaire fluvial, les frayères effectives récurrentes) ou en évaluant l’efficacité d’aménagements existants (par ex. les marais aménagés). L’identification de pressions anthropiques ayant un rôle majeur sur ces processus critiques ouvre la porte à des mesures de restauration telles que la conversion de cultures agricoles et un retour vers une variation plus naturelle des niveaux d’eau. Bien qu’appliquées au fleuve Saint-Laurent et au grand brochet, les notions et les méthodes développées dans la présente thèse sont théoriquement exportables à d’autres espèces ainsi qu’à d’autres grands fleuves, à condition de calibrer et valider les modèles à leurs nouveaux contextes.
Human activities have deeply transformed the large river landscape by altering the habitats heterogeneity and connectivity. These transformations led to the decline, and the local extinction, of several fish species once abundant. Despite actions aimed at mitigating fish diversity loss, some populations are still declining. In this context, it appears essential to better understand how landscape characteristics and alterations influence spatial organization of fish communities. Such key information can ultimately allow defining sound ecological management units. The present thesis aims at understanding the role of hydro-morphological characteristics and anthropogenic modifications on landscape heterogeneity and connectivity at different spatial scales and organizational levels in the St. Lawrence River (Quebec, Canada). The thesis starts with a large scale perspective by studying the spatial organization of fish communities within the fluvial St. Lawrence, then the focus turns on a smaller spatio-temporal scale by studying how connectivity can alter the access to vital habitats for a structuring species of the fish community. Indeed, connectivity between habitats that allows northern pike (Esox lucius) larvae survival is modelized to better understand the role of hydro-morphological characteristics and anthropogenic modifications on population decline of this emblematic apex predator. Firstly, at the St. Lawrence River scale (~ 350 km), a standardized governmental fish community sampling (1995-2013) was analysed using a combination of univariate analysis on diversity indices and multivariate analysis on the structure of fish abundance. Diversity indices revealed contrasting patterns that stresses the importance of considering several facets of diversity. Indeed, only the taxonomic disctincness index revealed a gradual downstream increase along the St. Lawrence River, which highlighted the high fish diversity of the fluvial estuary. In addition, along this continuum, multivariate analysis revealed how heterogeneity of fish communities is structured at different spatial scales: differences were found between distinct hydro-morphologic units (e.g. corridor vs. fluvial lake vs. archipelago), and between opposite shores of same sectors (separated by the deep navigational channel). Since the geographical units defined by the fish community architecture reflect the ecological reality along the St.Lawrence, the latter could be used by St. Lawrence managers. Secondly, from the narrow Montréal-Sorel corridor to the vast Lake Saint-Pierre (~ 150 km), we modelled the northern pike nursery habitats for the period 1965-2013 and coupled theses to an existing spawning habitats model. The connectivity between spawning and nursery habitats revealed that some spawning areas with high potential for spawners may become, during certain hydrological conditions, mortality traps for eggs or larvae. While a rapid decrease of water discharges may dewater most of the spawning habitats in Lake Saint-Pierre, an increase of current speeds (> 10 cm.s-1) in Montréal-Sorel corridor can flush larvae outside suitable habitats. Moreover, the St. Lawrence River regularisation and the expansion of agriculture into its floodplain have profoundly altered the habitats and their connectivity. While stable-high water discharges were theoretically favourable for northern pike recruitment, such conditions are no longer favourable as the landscape is now negatively impacted by anthropogenic alterations. Indeed, high water discharges are more frequently followed by a rapid decrease limiting spawning success, and habitats on the upper part of the floodplain have been altered by agricultural practices. In addition, our results found that habitat connectivity in Lake Saint-Pierre is favoured by stable hydrological conditions when spawning and nursery habitats overlapped, as well as by the larvae dispersal in low current speeds (< 10 cm.s-1) allowing them to reach more distant habitats. The present thesis shed new lights on landscape characteristics and modifications that govern spatial organization of fish communities in the St. Lawrence River and the dynamic related to early-life habitats exploitation and recruitment for an emblematic species. Our results contribute to fish management by identifying ecological management units at different spatial scales (e.g. shorelines, connected habitats), allowing priorization of sites to be preserved (e.g. fluvial estuary, recurrent effective spawning habitats) or by assessing the effectiveness of existing managements actions/tools (e. g. managed wetlands). By identifying which anthropogenic pressures led to major impacts on these critical processes, it opens the door to more efficient restoration actions such as the conversion of agricultural crops in natural habitats and the return to more natural variations of water discharges. Although the present thesis focus on the St. Lawrence River and the northern pike, the notions and methods developed herein are theorically exportable to other large rivers as well as to other species, under the condition to calibrate and validate the models used within their new context.
Type de document: | Thèse ou mémoire de l'UQAC (Thèse de doctorat) |
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Date: | Décembre 2017 |
Lieu de publication: | Chicoutimi |
Programme d'étude: | Doctorat en sciences de l'environnement |
Nombre de pages: | 189 |
ISBN: | Non spécifié |
Sujets: | Sciences naturelles et génie > Sciences naturelles > Biologie et autres sciences connexes Sciences naturelles et génie > Sciences appliquées > Eau et environnement |
Département, module, service et unité de recherche: | Départements et modules > Département des sciences fondamentales > Programmes d'études de cycles supérieurs en ressources renouvelables, environnement et biologie |
Directeur(s), Co-directeur(s) et responsable(s): | Cusson, Mathieu Mingelbier, Marc Lecomte, Frédéric |
Mots-clés: | biodiversité, communautés de poissons, connectivité, grand brochet, modélisation des habitats, paysage aquatique, modèles d'habitats, habitat modelling, indices de diversité, fish diversity, northern pike |
Déposé le: | 09 févr. 2018 08:08 |
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Dernière modification: | 17 juill. 2023 18:46 |
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