Butto Valentina. (2021). Facteurs développementaux et de l’environnement déterminant l’anatomie et les variations de densité du bois d’épinette noire à l’échelle intra-annuelle. Thèse de doctorat, Université du Québec à Chicoutimi.
PDF
5MB |
Résumé
La croissance radiale est le processus permettant aux arbres de constituer du bois, ressource renouvelable par excellence, et qui assure par conséquent l'un des services de séquestration du carbone les plus efficaces sur Terre. Dans les biomes tempérés et boréaux, la croissance radiale se produit périodiquement. Cette alternance des périodes d'activité et de dormance donne lieu aux cernes annuels de croissance, dont les caractéristiques sont le résultat de l'interaction entre les facteurs climatiques et les facteurs endogènes qui agissent pendant la vie d’un arbre. Parmi ces facteurs endogènes, le développement des plantes, qui intègre des facteurs génétiques et des pressions sélectives des facteurs climatiques sur le long terme, peut être surveillé grâce à l'étude de la temporalité des événements saisonniers représentés par la phénologie. Dans cette perspective, le suivi de la phénologie des bourgeons et du bois fourni des informations importantes sur la croissance des cernes annuels ainsi que sur l’influence des facteurs de développement et climatiques sur les caractéristiques du xylème, notamment sa densité. Cette thèse a pour but de démêler les composantes développementales et climatiques expliquant les variations de densité le long du cerne. Elle étudiera notamment comment la dynamique de la formation du bois et les facteurs environnementaux affectent l'anatomie cellulaire, représentée par la taille des traits cellulaires, c'est-à-dire le lumen de la cellule et l'épaisseur de la paroi cellulaire. Ensuite, ces information seront utilisées pour tester un model mécaniste largement utilisé pour modéliser la croissance de cernes et les dynamiques saisonnières de la croissance du bois, le modèle de Vaganov-Shashkin. Pour cette étude, nous avons sélectionné cinq peuplements d'épinettes noires, l'espèce dominante de la forêt boréale canadienne, situés sur un gradient latitudinal. Sur ces sites, la xylogenèse a été suivie sur 10 individus par site pendant 15 ans (2002-2016). À l'été 2017, des échantillons de bois ont été prélevés pour mesurer les traits cellulaires et la micro-densité. Dans chacun des sites, les variations des facteurs environnementaux ont été enregistrées par des stations météorologiques in situ. Sur les cinq peuplements, un protocole existant basé sur des indices de télédétection calibrés avec des observations de terrain a été utilisé pour extrapoler la phénologie des bourgeons à partir de l’indice différentiel normalisé de végétation (NDVI de l’anglais normalized difference vegetation index). Pour l’application modèle de Vaganov-Shashkin, la largeur des cernes a été mesuré et le modèle a été calibré pour la période 2002-2016. La validation du modèle a été réalisé à travers la comparaison entre les prédictions du modelés (croissance interannuelle et dynamiques de formation de la cerne) et les observations obtenues par le monitorage de xylogenèse. Nos résultats démontrent que le carbone alloué dans les tissus ligneux est indirectement mais étroitement lié à la dynamique de formation du bois, qui englobe les signaux de croissance à court et à long terme. Cette stratégie conservatrice, explique la très large aire de distribution de l'épinette noire. Les effets des facteurs environnementaux sur l'anatomie et la micro-densité cellulaires ne sont pas additifs, ce qui soutient l'hypothèse selon laquelle la densité du bois et l'anatomie cellulaire présentent différents patrons de corrélations écologiques. L'action contrebalancée des différents facteurs environnementaux explique comment une micro-densité similaire peut être atteinte avec un rapport paroi/lumen différent. Nous avons observé que dans tous les sites, la dynamique de la formation du bois s'est ajustée autour d'une température moyenne de ~14 °C, ce qui suggère des réponses convergentes autours variations de température pendant la différenciation cellulaire. L'anatomie cellulaire, et indirectement la micro-densité, ont été modulées par la durée des différentes étapes de la différenciation cellulaire, qui ont été elles-mêmes influencées par la phénologie des bourgeons. En effet, nous avons observé que la formation du bois final se produit après la fin de l'élongation des jeunes pousses, ce qui suggère que les arbres font face à la forte demande de sucres dans les principaux tissus séquestrant du carbone, c'est-à-dire le bourgeon et le bois, en séparant ces processus dans deux moments différents de la saison de croissance. Alors que l'élongation des pousses est en cours, la disponibilité des sucres pour la croissance secondaire est limitée. En conséquence, les cellules passeraient proportionnellement plus de temps à s'élargir qu'à déposer leur paroi secondaire, ce qui donnerait lieu à des cellules de bois initial présentant un diamètre de lumen important mais une paroi secondaire mince. Une fois que l'élongation des pousses est atteinte, les sucres seront massivement utilisés pour la formation du bois final, ce qui permettra une plus longue durée de dépôt de la paroi secondaire. La proportion croissante de sucres disponibles à ce stade permet le développement de parois cellulaires plus épaisses, dont la rigidité limitera la durée de l'allongement des cellules du xylème, ce qui se traduira par des cellules plus petites. L'interaction des phases de différenciation sur chaque trait cellulaire, et leur dépendance susmentionnée par rapport aux autres événements survenant au cours de la croissance primaire, sont probablement à l'origine de la relation non linéaire que nous avons détectée entre la taille des traits cellulaires et leur durée de différenciation. Nous avons en effet observé que la taille des caractères cellulaires, c'est-à-dire le diamètre des cellules et l'épaisseur de la paroi cellulaire, augmentait proportionnellement à la durée de leurs phases de différenciation, c'est-à-dire la durée de l'élargissement, du dépôt de la paroi secondaire et de la lignification, jusqu'à ce qu'ils atteignent un plateau. La croissance interannuelle simulée avec le modèle de Vaganov-Shashkin était très corrélée avec celle qui a été observée dans les cinq sites, mais le modèle s’est avéré peu adapté à modéliser les dynamiques des croissances intra-annuelle de nos sites, en étant donné que sa paramétrisation a été originairement basé sur de sites froids mais sèches. Cependant, une meilleure adaptation du modèle de Vaganov-Shashkin comme modèle prédictif des dynamiques de croissance intra-annuelle de l’épinette noire serait souhaitable afin d’extrapoler des informations sur des zones plus difficiles à échantillonner et sur la réponse de l’épinette noire aux changement climatiques. Ces résultats couvrent d'importantes lacunes quant à nos connaissances sur les relations de cause à effet qui sous-tendent les variations de micro-densité chez les conifères. Nous avons démontré que les réponses à court terme aux variations environnementales peuvent être remplacées par des réponses plastiques qui modulent la différenciation cellulaire, ce qui indique que la dynamique de formation du bois est un puissant prédicteur de l'allocation de carbone dans les arbres. De plus, en fournissant des informations basées sur un suivi exceptionnellement long de la xylogenèse, ces résultats constituent une contribution précieuse pour augmenter les performances des modèles mécanistes existants en termes de temps de croissance des arbres et en termes de biomasse produite par l'épinette noire.
Radial tree-growth is the process whereby trees build new wood, one of the most important renewable resource, which ensures efficient carbon sequestration services on Earth. In temperate and boreal climates, radial growth occurs periodically, and the alternation of periods of activity and dormancy results in tree rings, whose features are the result of the interaction between climatic and endogenous factors. Among the endogenous factors, plant development, which encompasses genetic attributes and selective pressures of long-term climatic signalling, can be monitored through the study of the timing of seasonal events represented by plant phenology. In this perspective, monitoring bud and wood phenology provides important information about tree-ring growth and the way in which developmental and climatic factors affect tree-ring cell features and then, wood density. This thesis aims to unravel the developmental and climatic components of density variations within the tree-ring, by studying how wood formation dynamics affect wood anatomy, represented by cell traits i.e. cell diameter and cell wall thickness, which are in turn influenced by the environmental factors. Then, this information have been used to test a mechanical model widely used to model tree ring growth and seasonal wood growth dynamics, the Vaganov-Shashkin model. In this study, samples were collected from five sites in the coniferous boreal forest of Quebec, (Canada) along a latitudinal gradient stretching between 48°N and 53°N. On these sites, xylogenesis was monitored on 10 individuals × site for 15 years (2002-2016), and in the summer of 2017, additional microcores and cores were collected to measure cell traits i.e. lumen diameter, cell wall thickness; and micro-density. Weather information was recorded using weather stations at each site. Normalized Difference Vegetation Index (NDVI) was used to extrapolate bud phenology from each of the five sites. For the Vaganov-Shashkin model application, dark circles were measured and the model was calibrated for the period 2002-2016. The validation of the model was carried out through the comparison between the predictions of the model (interannual growth and dynamics of ring formation) and the observations obtained by the monitoring of xylogenesis. Our results demonstrate that carbon allocated into woody tissues is indirectly but tightly linked to short and long-term growth signalling, in part explaining black spruce’s conservative growth strategy and widespread distribution. The effects of environmental factors on cell traits and micro-density were not additive, supporting the hypothesis that wood density and cell anatomy display distinct patterns of ecological correlations. The diverse effects of the environmental factors explain how similar micro-densities can be reached with different wall/lumen ratio. We observed that at all sites, wood formation dynamics adjusted around a mean temperature of ~14 °C, suggesting converging responses to temperature signalling during cell differentiation. Wood anatomy, and indirectly micro-density, were modulated by the duration of the different stages of cell differentiation i.e. duration of enlargement and secondary wall deposition, which were influenced by bud phenology. Indeed, we observed that latewood formation occurs once shoot elongation has ended, suggesting that trees cope with the high demand of sugars in the main C-sink tissues i.e. bud and wood by separating these processes in time. While shoot elongation is ongoing, sugar availability for secondary growth is limited. Accordingly, cells would proportionally spend more time in enlarging rather than undergoing secondary wall deposition, resulting in earlywood-cells with large diameter but thin secondary wall. Once shoot elongation is complete, sugars are massively conveyed into the stem, allowing for latewood formation. The increasing supply of sugars to the stem during latewood formation allows for the development of thicker cell walls limiting the capacity of cells to enlarge, resulting in smaller cells. The interplay between cell differentiation phases on each cell trait, and their above-mentioned dependence from the other events occurring during primary growth, are likely at the origin of the non-linear relationship we detected between cell traits and their duration of differentiation. Indeed, we observed that cell wall thickness and cell wall diameter, proportionally increased with the duration of their differentiation phases, until they reached a plateau. Predicted inter-annual tree ring growth was highly correlated with the simulated time series from the Vaganov-Shashkin model, but simulations of the intra-annual growth dynamics highlighted that the model performances are limited in wet climates, given that its parameterization was originally based on drier sites. However, a better adaptation of the Vaganov-Shashkin model as a predictive model of the intra-annual growth dynamics of black spruce would allow to extrapolate information on more remote areas and on the growth-responses of black spruce to climate change. These results cover important gaps on the causal relationships underlying micro-density variations in conifers. We demonstrated that in species characterized by a wide geographical distribution, plastic adjustments in wood formation dynamics can override climate responses. These adjustments are not directly detectable in wood trait size variations because of their pronounced dependency on developmental control. Furthermore, by providing information based on an exceptionally long xylogenesis monitoring period, these results are a valuable contribution to increase the performance of the existing mechanistic models in terms of predicting the onset of the growing season and the amount of biomass stocked in cold environments.
Type de document: | Thèse ou mémoire de l'UQAC (Thèse de doctorat) |
---|---|
Date: | 2021 |
Lieu de publication: | Chicoutimi |
Programme d'étude: | Doctorat en sciences de l'environnement |
Nombre de pages: | 150 |
ISBN: | Non spécifié |
Sujets: | Sciences naturelles et génie > Sciences naturelles > Biologie et autres sciences connexes Sciences naturelles et génie > Sciences appliquées > Foresterie et sciences du bois |
Département, module, service et unité de recherche: | Départements et modules > Département des sciences fondamentales > Programmes d'études de cycles supérieurs en ressources renouvelables, environnement et biologie |
Directeur(s), Co-directeur(s) et responsable(s): | Morin, Hubert Deslauriers, Annie Rossi, Sergio |
Mots-clés: | croissance secondaire, déposition de paroi secondaire et lignification, différentiation cellulaire, micro-densité, modèle de Vaganov-Shashkin, Picea mariana (Mill.) B.S.P., black spruce, secondary growth, cell differentiation, secondary wall deposition and lignification, micro-density, Vaganov-shaskin model |
Déposé le: | 17 mars 2021 10:05 |
---|---|
Dernière modification: | 17 mars 2021 21:28 |
Éditer le document (administrateurs uniquement)