Constellation, le dépôt institutionnel de l'Université du Québec à Chicoutimi

Résumé

Dans un contexte d’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette et de changements climatiques, la compréhension de la physiologie du débourrement des conifères revêt une grande importance afin de mieux prédire les impacts des changements climatiques et adapter les pratiques d’aménagement forestier en forêt boréale. Actuellement, les modèles de prévision de la date de débourrement se basent uniquement sur les facteurs climatiques. Cependant d’autres facteurs influencent la phénologie des arbres. Les caractéristiques adaptatives génétiques des espèces, des facteurs abiotiques tel que la température, et des facteurs biotiques comme la défoliation par les insectes affectent le débourrement des bourgeons végétatifs au printemps. Ces caractéristiques et ces facteurs influent aussi la physiologie et modifient l’allocation du carbone. La fluctuation du carbone non structural (CNS) dans différents organes de l’arbre, affecte ainsi le débourrement des bourgeons végétatifs et module le moment et la vitesse de leur ouverture. Cette étude vise à évaluer l’impact de l’augmentation de température de 2 °C en combinée à la défoliation sur le débourrement chez deux espèces de conifères (épinette noire et sapin baumier) représentées par les provenances nord et sud. Les hypothèses sont : i) le réchauffement et la défoliation devraient anticiper les phases d’ouverture des bourgeons avec un effet plus prononcé dans les provenances nordiques; ii) la répartition du carbone devrait être modifiée par le réchauffement et la défoliation, avec une diminution des réserves d’amidon et de la consommation de sucre survenant plus tôt dans les arbres lors du débourrement. Cette étude de deux ans a été réalisée dans un simulateur de réchauffement climatique nommé T-FACE où 24 épinettes noires et 24 sapins baumiers de deux provenances différentes ont été soumis à des combinaisons de température (réchauffement de 2 °C et température ambiante) et de défoliation naturelle (défoliés et non défolié) par la tordeuse des bourgeons de l’épinette. La défoliation a été induite sur la moitié des arbres (24 arbres sur 48) en implantant des larves de tordeuse des bourgeons de l’épinette (stade L2). Les larves de cet insecte se nourrissent principalement pendant le débourrement des bourgeons des essences hôtes. En 2018 et 2019, les différentes phases d’ouverture des bourgeons ont été surveillées sur 48 arbres à l’étude au printemps. Des analyses des concentrations de CNS (sucres solubles et amidon) ont également été effectuées au cours du débourrement. La combinaison de la provenance, de la température et de la défoliation donne un large éventail de dates d’ouverture, mais le groupe d’arbres appartenant au groupe défolié – chauffé – nord ont débourré hâtivement par rapport au groupe non-défolié – ambiant – sud, confirmant notre première hypothèse. Cette phénologie hâtive des bourgeons a été associée à une diminution de l’amidon mais pas à une diminution des sucres solubles, confirmant ainsi partiellement notre seconde hypothèse. Une température plus élevée est souvent associée à un taux métabolique plus élevé, consommant davantage de carbone, réduisant ainsi la formation de réserves d’amidon. Comme l’accumulation d’amidon dépend également de la photosynthèse actuelle, le bassin de carbone printanier est fortement réduit par la défoliation, ce qui peut influer sur la croissance et la survie des arbres. Plusieurs facteurs affectent donc la période du débourrement des bourgeons, puis le niveau de synchronisation avec la tordeuse des bourgeons de l’épinette.