Constellation, le dépôt institutionnel de l'Université du Québec à Chicoutimi

Résumé

La maltraitance infantile constitue un enjeu d’intérêt public au Québec (Bouchard et al., 1991; Loi sur la protection de la jeunesse, 2016), notamment en raison de sa prévalence élevée (Gouvernement du Québec, 2019) et pour les nombreuses conséquences qui y sont reliées. Parmi ceux-ci, la littérature répertorie des impacts à différents niveaux, dont au plan cognitif (Fries et al., 2005; Lupien et al., 2009; Milot et al., 2018). Or, les études recensées s’intéressant au lien entre la maltraitance infantile et le fonctionnement cognitif obtiennent des résultats contradictoires. La présente étude visait donc à évaluer deux formes de maltraitance (agression physique et sexuelle) ainsi que leurs associations avec le fonctionnement cognitif (fonctionnement intellectuel, mémoire et langage), à l’aide d’un devis transversal, auprès d’enfants québécois. Cette étude a été réalisée à partir de données issues d’une plus vaste étude, la Memory and stress related to medical examination among sexually abused children. L’échantillon utilisé est composé de 144 enfants (56 filles et 88 garçons) et 85 d’entre eux ont complété les tests standardisés. Parmi ceux-ci, 20 enfants ont indiqué avoir été agressés sexuellement, 4 ont nommé avoir été agressés sexuellement et à risque d’avoir été agressés physiquement alors que 2 seraient à risque d’avoir été agressés physiquement, sans avoir été victime d’agression sexuelle. L'âge moyen des enfants ayant complété les tests était de 7,7 ans (ÉT= 2,5; étendue de 3 à 12 ans). Considérant le faible nombre d’enfants ayant été victimes d’agression physique dans l’échantillon, cette variable n’a pas été analysée. Les enfants victimes de maltraitance infantile ont été référés par les policiers, alors que les autres enfants ont été recrutés au CHU Ste-Justine et au Montreal Children Hospital. Le fonctionnement cognitif (fonctionnement intellectuel, mémoire et langage) des enfants a été évalué à l’aide de l'Échelle d'intelligence de Wechsler pour la période préscolaire et primaire - 4e édition (WPPSI-IV), de l’Échelle d'intelligence de Wechsler pour enfants et adolescents - 4e édition (WISC-IV), du Children’s Memory Scale (CMS) ainsi que du Clinical Evaluation of Language Fundamentals. Dans l’ensemble, les résultats aux tests t préliminaires indiquent que seule la mémoire visuelle (immédiate et différée) est reliée négativement au fait d’être victime d’agression sexuelle à l’enfance. Les régressions multiples effectuées démontrent toutefois qu’en contrôlant la fréquence des évènements de vie stressants vécus par la mère, le niveau d’anxiété et le genre de l’enfant, seulement la mémoire visuelle immédiate est reliée négativement au fait d’avoir été victime d’agression sexuelle à l’enfance. Ce résultat amène à croire que les enfants victimes d’agression sexuelle ont plus de difficulté à rappeler les informations visuelles. Néanmoins, en ce qui concerne les autres fonctions cognitives évaluées, celles-ci ne sont pas associées à l’agression sexuelle. D’autres études demeurent toutefois nécessaires afin d’examiner de façon plus précise l’influence du contexte entourant la maltraitance infantile (fréquence, durée, stade de développement, etc.) sur le développement cognitif dans le but de pouvoir mieux intervenir auprès de cette clientèle.