Constellation, le dépôt institutionnel de l'Université du Québec à Chicoutimi

Résumé

La résistance aux agents antimicrobiens (RAM) est un phénomène naturel répandu chez de nombreuses bactéries mais ayant pris une ampleur alarmante depuis l’introduction massive de molécules antibactériennes au sein des populations humaines et animales au cours des dernières décennies. L’émergence et la propagation de bactéries résistantes aux antimicrobiens est un problème contemporain majeur qui nécessite, entre autres, le développement de nouveaux composés antibactériens n’étant pas susceptible à la RAM. Dans cette optique et en lien avec l’utilisation traditionnelle des bourgeons de peuplier baumier (Populus balsamifera), l’équipe du Laboratoire d’analyse et de séparation des essences végétales (LASEVE) a identifié une nouvelle famille de composés naturels antibactériens : les balsacones. Celles-ci ont une activité antibactérienne intéressante contre le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) et le staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM), une souche multirésistante particulièrement problématique dans le milieu hospitalier. Cependant, malgré cette activité antibactérienne intéressante, l’isolation des balsacones dans les bourgeons de peuplier baumier est fastidieuse et onéreuse, ce qui représente un défi de production. Quant à elle, la synthèse totale des balsacones nécessite de nombreuses étapes et repose sur l’utilisation de précurseurs non renouvelables issus de la pétrochimie. Une alternative attrayante est l’hémisynthèse des balsacones à partir des dihydrochalcones (DHC) précurseurs présentes dans les bourgeons de P. balsamifera. Cependant, cette méthode requiert aussi des étapes d’isolation pour obtenir ces DHC. Ces différents enjeux encouragent donc la recherche de voies innovantes de production des balsacones. Ce projet de maîtrise consistait à mettre au point et à optimiser une nouvelle méthode de production de balsacones. Cette approche alternative consiste à convertir les DHC en balsacones directement dans un extrait de bourgeons de P. balsamifera. Cette hémisynthèse in situ, repose sur une alkylation de Friedel-Crafts des DHC présentes dans l’extrait avec de l’alcool 4-hydroxycinnamique. Cette méthode de production est inspirée d’une voie biosynthétique plausible des balsacones et répond à plusieurs principes de la chimie verte par l’innocuité des réactifs utilisés, par l’utilisation de substrats biosourcés, par l’utilisation d’un catalyseur recyclable et par l’économie d’atomes et d’énergie. Le dosage des DHC et des balsacones dans les extraits enrichis a permis de les quantifier et d’optimiser les conditions expérimentales menant à l’enrichissement en balsacones A, B et C. Par ailleurs, la comparaison des profils chromatographiques des extraits naturels et des extraits enrichis soutient l’hypothèse sur la voie biosynthétique des balsacones. L’enrichissement de l’extrait en balsacones se traduit par une augmentation de l’activité biologique contre S. aureus et 10 souches de SARM. Les extraits offrent également une faible cytotoxicité (CMI50) sur les cellules des fibroblastes humains normaux (WS-1), supérieure à la concentration requise pour atteindre les CMI90 contre S. aureus et le SARM.