Constellation, le dépôt institutionnel de l'Université du Québec à Chicoutimi

Résumé

La dynamique fluviale de la rivière des Escoumins a été perturbée par l’industrie forestière (drave par exemple) pendant plus d’un siècle. Plusieurs portions du chenal ont été linéarisées, dynamitées et élargies pour favoriser le flottage du bois et un barrage a été construit près de l’embouchure en 1846. Ces perturbations ont entraîné des répercussions importantes sur l’équilibre du cours d’eau et sur l’habitat du saumon atlantique. L’objectif principal de cette recherche est donc de caractériser la dynamique du transport sédimentaire de la rivière des Escoumins afin de proposer un plan de rétablissement des processus hydrogéomorphologiques pour améliorer l’habitat du saumon atlantique. Pour ce faire, la rivière a d’abord été segmentée en tronçons morphodynamiques homogènes (amont, médian et aval). La trajectoire hydrogéomorphologique historique de la rivière a ensuite été analysée, depuis 1964, à partir d’imageries aériennes. La rivière a évolué différemment le long du corridor fluvial, avec une instabilité plus marquée dans le tronçon médian qui est de style divagant. Les ajustements les plus importants ont eu lieu entre 1975 et 1986, période qui concorde avec la fin des travaux d’entretien liés à la drave. Ceux-ci auraient fragilisé le pavage naturel du lit, rendant les sédiments davantage disponibles et plus facilement érodables. Le cours d’eau semble s’être stabilisé depuis, mais l’augmentation de l’indice de sinuosité suggère que l’équilibre n’est pas encore atteint. Par la suite, la dynamique sédimentaire de la rivière a été analysée par une approche morphologique. L’élévation du lit, le long de 39 profils transversaux, a été mesurée avant et après la crue printanière de 2021. La différence d’élévation a révélé une prédominance des processus d’incision du lit du chenal. Les impacts du démantèlement du barrage et des activités de la drave ont également été analysés et ont révélé que le démantèlement du barrage, en 2013, a eu une incidence sur la trajectoire historique de la rivière. Cette période concorde avec une hausse marquée des taux de recul et une baisse importante de la largeur médiane pour les 2,4 derniers kilomètres près de l’embouchure. Le phénomène d’incision, pour sa part, a probablement été engendrée par la linéarisation qui a entraîné une déconnexion du cours d’eau avec la plaine alluviale, forçant ainsi la recharge sédimentaire dans le lit de la rivière plutôt que dans les berges. L’incision près de l’ancien barrage pourrait aussi être associée à un réajustement du lit entraîné par le démantèlement du barrage ou par l’enrochement des berges à proximité. Une méthode de suivi du transport sédimentaire, par l’implantation de 200 transpondeurs actifs et 600 transpondeurs passifs, a également été mise en place afin d’approfondir, ultérieurement, les connaissances sur la dynamique sédimentaire de la rivière des Escoumins. Enfin, le cours d’eau semble toujours être en réajustement après les perturbations auxquelles il a été soumis. Toutefois, ses faibles pentes qui lui confèrent une dynamique moins importante, permettent de s’interroger sur sa capacité à retrouver un état d’équilibre par lui-même. Dans ce cas, la reconnexion d’anciens méandres peut être envisageable afin d’aider le cours d’eau à restaurer ses processus hydrogéomorphologiques. Cinq sites ayant un potentiel de restauration de méandres ont été identifiés sur la rivière des Escoumins. Cette restauration permettrait de retrouver, à long terme, des conditions plus propices pour les différents stades du cycle de vie du saumon atlantique, telles qu’une diversité de formes fluviales et de faciès d’écoulement et une granulométrie favorable. Néanmoins, il serait pertinent de poursuivre les suivis et les analyses de la dynamique fluviale de la rivière des Escoumins à plus long terme. Une meilleure compréhension de la dynamique sédimentaire contribuera à mettre en place des actions de restauration durables.