Constellation, le dépôt institutionnel de l'Université du Québec à Chicoutimi

Résumé

Notre thèse de doctorat, intitulée Processus de création scénaristique inspiré de l’insolite et de l’incompréhensible chez le cinéaste-écrivain Jean Rollin, vise à analyser, au volet recherche, le processus créatif de Rollin ainsi que ses oeuvres afin d’en dégager les spécificités. À partir d’une étude intermédiale des influences qui composent l’écriture du cinéaste-écrivain, nous en dégageons des pistes pour cerner une poïétique dont les effets dramaturgiques nous permettent de mettre de l’avant deux concepts phares : l’insolite et l’incompréhensible. Par cette approche, nous questionnons non seulement le statut du scénario à titre d’objet, mais aussi le processus derrière sa création. Notre projet ne constitue pas une étude exhaustive du scénario au cinéma, mais bien une exploration singulière d’un processus scénaristique spécifique qui appelle à sortir du cadre de la définition classique du scénario à titre d’objet. Le volet recherche de notre projet vérifie donc comment l’oeuvre de Rollin, souvent décrite comme hybride et singulière par la littérature, offre une possibilité méthodologique dont l’originalité peut participer non seulement à l’avancée de la recherche-création en cinéma, mais aussi à la stimulation de notre propre processus créatif à titre de scénariste. Delà se profile le deuxième champ de notre thèse, soit la mise en place d’une recherche-création « in vivo1 ». En élaborant sous l’influence de Rollin, il ne s’agit pas de « faire du Rollin », mais bien, à travers une actualisation de sa poïétique, de motiver notre propre écriture du scénario. Ce n’est pas le résultat que nous observerons, mais la manière dont les notions d’insolite et d’incompréhensible inspirées du cinéaste opèrent un processus à la fois transformateur, émancipateur et régénérateur de notre propre pratique scénaristique. D’entrée de jeu, nous élaborons notre double problématique, d’une part au regard de l’écriture scénaristique et de la mise en scène de Rollin, et d’autre part concernant nos stratégies de recherche-création. Nous mettons ainsi en lumière les axes ayant servi à explorer certaines oeuvres du corpus de Jean Rollin, toujours au regard des deux notions-clés de notre thèse. En plus de voir à quel point ces axes contribuent à la construction de l’oeuvre, nous examinons comment ils vont à l’encontre du « code moyen2 » lié au cinéma narratif traditionnel, qui cherche à raconter des histoires de la façon la plus efficace possible3. Par cette démarche singulière, le cinéaste-écrivain offre des œuvres anticonformistes visant d’abord et avant tout une réponse émotive de la part du lecteur-spectateur. C’est ainsi que l’insolite se manifeste à divers égards chez Rollin, agissant comme tremplin vers l’inconnu, vers un renouveau qui surprend, qui implique un choc et suscite des sentiments complexes4, voire une réception complexe, dont l’incompréhension en serait l’une des manifestations. À ce titre, nous entendons l’incompréhensible comme une ouverture de sens, voire une volonté de ne pas finir de comprendre; cela nous amène à examiner les récits ouverts et en faisance de Rollin sous un autre angle, soit celui de la poésie. Cette analyse est bien entendu teintée des thèmes-clés qui caractérisent l’univers dramaturgique du cinéaste-écrivain, soit l’enfance, la poésie, la liberté, l’érotisme et la mémoire. De plus, à l’instar de Georges Bataille, l’une des influences majeures de Rollin, nous voyons comment la construction de l’oeuvre est basée sur l’association et l’ouverture. Dans la mesure où Jean Rollin est un artiste chez qui les influences intermédiales sont nombreuses, la notion de dialogue permet d’articuler les multiples images, souvenirs et motifs impliqués dans sa construction dramaturgique. La notion de dialogue occupe d’ailleurs une place prépondérante dans notre thèse puisqu’elle constitue, autant pour Rollin que pour nous, une stratégie intermédiale favorisant l’articulation des motifs issus de diverses filiations dans le but de faire émerger de nouvelles formes et de nouveaux sens. De fait, nous nous sommes basé sur ce principe afin de nourrir, d’une part, le dialogue artistique que nous avons désiré mettre en place avec le cinéaste-écrivain, et d’autre part, notre propre démarche de création, dont le chapitre 5 rend compte à titre de récit de création. Dans le cadre de cette étape cruciale, nous mettons en pratique la fonction instaurative de la recherche-création pour valoriser la pertinence rollinienne au sein de notre processus de création, soit cet « oeuvrement » dont le but est de régénérer notre inspiration. Au final, nous souhaitons que notre recherche puisse inspirer de nouvelles pratiques scénaristiques au sein du monde académique, plus spécifiquement dans le cadre de la recherche universitaire.